Proche de Monaco, Roquebrune-Cap-Martin abrite la villa E-1027 et le très connu Cabanon de l’architecte Le Corbusier. Entre archives, designs et amitié, plongez dans les années d’après-guerre.
À près de 40 minutes de route de Monaco, la commune de Roquebrune-Cap-Martin est une ville aux multiples histoires. Connu pour ses plages paradisiaques, à l’eau turquoise et à ses paysages méditerranéens, Roquebrune renferme des designers et architectes de renoms. Jacques Brel y a vécu pendant dix ans, composant notamment les musiques « le plat pays » et « Amsterdam ».
L’architecte-urbaniste et décorateur Le Corbusier y dessine son cabanon, pour lui, mais aussi comme cadeau pour sa femme. Avant de connaître toute cette histoire, il faut reprendre du début. Avec une rencontre en 1920…
Jean Badovici, un directeur de publication de la revue architecturale L’Architecture vivante durant 10 ans rencontre Eileen Gray. Irlandaise de naissance, elle est designer de meubles à ses débuts, elle est considérée maintenant comme l’une des plus grandes architectes du 20e siècle.
Une villa disponible à la visite sous réservation
Elle s’intéresse aux productions modernes des architectes Adolph Loos, Gerrit Rietveld et Le Corbusier. C’est un déclic et c’est à ce moment qu’elle décide de se concentrer sur ce nouvel esthétisme. Ainsi, Jean Badovici fait construire une maison, la villa E-1027 pour lui sur le bord de mer de Roquebrune-Cap-Martin avec son aide. Celle-ci se termine en 1929. La villa était un élément rarement vu sur le rivage méditerranéen. Eileen Gray se charge de l’ensemble de l’ameublement et de la construction intérieure.
Ouvertes au public, les visites se font par petit groupe. Afin de préserver les lieux d’une fréquentation déjà très importante. Les visiteurs passent d’abord par le jardin avec vue mer avant d’accéder à l’entrée, qui d’ailleurs n’a pas de porte d’entrée.
La maison court sur 120 m2 et 25 m2 de terrasse. Ici, rien n’est laissé au hasard, car Eileen Gray s’est inspirée des codes de l’architecture moderne pour le transposer dans ce lieu. Table en liège pour éviter le bruit des assiettes, baies horizontales, bar rétractable. Tous les meubles répondent à des usages différents et s’adaptent parfaitement à la vie de ses propriétaires.
Eileen Gray, la designer la plus cher au monde
L’Irlandaise ne reste que quelques années dans la villa et s’en va en construire une autre, pour elle cette fois-ci et toujours avec l’aide de Jean Badovici. Le Corbusier apparaît en 1938 lors de son séjour dans la demeure. L’architecte et critique d’art Badovici invite l’architecte de la Cité Radieuse à y peindre des œuvres murales. Ça n’est pas deux ou bien trois, mais quatre peintures murales qui seront produites. N’ayant jamais rencontré la créatrice, il lui témoignera son adoration pour la villa dans une lettre, regrettant de l’avoir manqué.
Par la suite, Eileen Gray deviendra après sa mort la designer du 20e la plus cher au monde quand son fauteuil au dragon est adjugé à 20 millions d’euros aux enchères.
Quelques conflits éclatent cependant entre le trio, Le Corbusier décide donc par l’intermédiaire d’une connaissance d’investir dans un terrain au-dessus de la villa. En août 1951, il conçoit des croquis de son cabanon qu’il envoie à un menuisier corse. C’est en 1952 que le Cabanon voit le jour, le parement extérieur de cette habitation est en dosse de Pin Laricio de Corse.






©Alexis Villiere
Un cabanon conçu comme “un château au pied de la Méditerranée”
Le Cabanon est pensé pour être un lieu de vie, l’étroit couloir de l’entrée laisse passer une personne à la fois. « Lorsque que vous êtes dans ce couloir vous vous sentez serrer, mais lorsque vous arrivez dans la pièce vous avez l’impression que c’est grand. Il l’a conçu pour donner cette sensation », confie Elisabetta Gaspard, chargée d’actions culturelles, éducatives et communication Cap Martin.
Le mobilier intérieur est fabriqué en châtaignier et en chêne. Les parois sont en contreplaqué et le plafond coloré façon Mondrian. « Il y a un côté japonisant, les meubles sont bas car la hauteur sous plafond est de 2,26 mètres”, continue Elisabetta Gaspard. Le Corbusier expliquera sa construction en disant : “j’ai construit un château au pied de la Méditerranée pour l’offrir à ma femme pour son anniversaire”.
Ça n’est pas le confort d’aujourd’hui, mais à l’époque cela leur était suffisant. Les fenêtres, moitiés miroir et moitiés peintes par l’artiste permettent de limiter l’exposition du soleil dans la pièce et d’éviter les nuits trop chaudes. Certains aspects comme l’aération ou les rangements avec les portes coulissantes se retrouvent dans d’autres créations comme la cité radieuse. La première est à Marseille, elle fait partie d’une série de 4 en France. Une unité d’habitation pensée comme un village où l’on retrouve tout le nécessaire : commerces, écoles, bien-être.





©Alexis Villiere
La Cabanon est ouvert à la visite par groupe de quatre personnes
Le cabanon se terminera la même année que l’immeuble marseillais, en 1952, soit deux projets qui feront grandir l’image de l’homme. Le couple y séjournera chaque été au mois d’août. Après la mort d’Yvonne, son épouse en 1957, Le Corbusier continuera de venir. C’est le 27 août 1965, il y a 56 ans que l’architecte français Charles-Édouard Jeanneret-Gris, de son vrai nom, décède.
De même, des visites guidées permettent de découvrir les autres facettes du peintre, plus intime. Chaque visite se fait avec quatre personnes seulement pour préserver ce lieu.
Riche d’histoires, d’amitié et d’architecture, Roquebrune-Cap-Martin, sa villa E-1027 et son Cabanon regorgent d’anecdotes, d’images et d’archives que chacun peut venir découvrir en réservant sur le site Cap Moderne. Les 16 et 17 septembre s’ouvrent les journées du patrimoine. Ainsi, la villa peut être visitée gratuitement avec un guide. L’occasion de saisir un épisode de la vie azuréenne…
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Alexis Villiere