Romain Bussi, architecte diplômé de Versailles s’est forgé un parcours singulier, entre polyvalence et audace, pour réinventer son métier dans le Sud de la France.
Un cursus entre tradition et évolution
Formé à l’École nationale supérieure d’architecture de Versailles de 2007 à 2013, Romain Bussi suit un parcours ancré dans la tradition des grandes écoles d’architecture. Il s’adapte aux évolutions contemporaines du métier afin d’en maitriser les rouages. Après les cinq années classiques de formation, il poursuit avec une HMONP (Habilitation à exercer la Maîtrise d’Œuvre en Nom Propre), une année professionnalisante mêlant théorie et pratique en agence. Une année nécessaire pour s’inscrire à l’Ordre des Architectes. Son choix d’effectuer cette spécialisation à Versailles illustre son attachement à la rigueur et à l’excellence.


Une première immersion dans un environnement atypique
Romain débute son expérience professionnelle au sein de l’agence Massip-Mongazon, une structure dirigée par des femmes, ce qui, dans le paysage architectural français des années 1980-90, était encore rare. Cette immersion dans une agence à l’identité forte lui offre une vision alternative du métier, axée sur la finesse et la sensibilité du projet architectural.
Mais en 2012, l’onde de choc de la crise économique de 2008 frappe encore durement le secteur du bâtiment en France. De nombreux architectes fraîchement diplômés s’exilent vers Singapour, Chicago ou encore Dubaï. Romain, lui, hésite à partir pour Miami, séduit par l’esthétique colorée et graphique de l’agence Arquitectonica. Mais le destin en décide autrement : il retourne dans le Sud, refusant de s’installer durablement en région parisienne. En effet, c’est à Châteaurenard que l’opportunité se présente. Son oncle, maître d’œuvre implanté depuis 1992, lui propose de collaborer. Ce dernier, habitué aux projets de maisons individuelles et de bâtiments agricoles, lui offre un contexte de travail stable mais aussi un défi : transformer un marché purement fonctionnel en une architecture plus ambitieuse.
Très vite, Romain comprend que son rôle dépasse la simple conception esthétique. Trois mois après son installation, il se retrouve déjà impliqué dans un projet de 100 logements pour un promoteur. Un défi de taille, où il apprend à conjuguer rentabilité et créativité. “Quand tu sors de l’école d’archi, tu veux faire ton immeuble signature. Mais très vite, tu comprends que sans rentabilité, il n’y a pas de projet”, confie-t-il.
Une vision pluridisciplinaire de l’architecture
Contrairement à d’autres architectes qui se spécialisent rapidement dans un domaine, Romain Bussi fait le pari de la diversité. “Je n’ai jamais refermé une seule branche de l’arbre”, explique-t-il. Son agence touche à tout : bâtiments agricoles, maisons individuelles, industrie, promotion immobilière, bureaux… Une philosophie qui fait sa force et lui permet de naviguer avec aisance entre les échelles et les typologies. “L’architecture est un sport de combat”, cite-t-il en référence à Rudy Ricciotti. Entre les maîtres d’ouvrage, l’administration, les élus et les voisins, chaque projet est une lutte. En réalité, il doit défendre sa vision sans cesse tout en composant avec des contraintes multiples.


Le Trèfle : un manifeste architectural
Un projet incarne particulièrement cette approche : Le Trèfle. “On m’a d’abord demandé de faire un simple bâtiment de stockage de 300 m². Typiquement, le genre de projet sans intérêt pour un architecte”, raconte-t-il. Mais au lieu d’accepter la monotonie, il y voit une opportunité d’expérimentation graphique. Il imagine alors une façade en bardage métallique, percée d’ouvertures subtiles qui, en s’éloignant, forment un trèfle géant de 10 mètres de haut. “Quand un maître d’ouvrage me suit dans ce genre de délire, c’est l’extase”, s’enthousiasme-t-il. Le projet devient une démonstration de son ADN : transformer chaque programme, même le plus banal, en une signature architecturale.


Créer sous contrainte : un moteur plutôt qu’un frein
« L’architecture, c’est un métier de contraintes », nous confie-t-il d’emblée. Loin d’être un obstacle, il les considère comme une source d’inspiration. Les premières contraintes viennent des règles d’urbanisme : « On ne fait pas n’importe quoi, n’importe où. Chaque terrain a ses obligations ». Puis, il y a la question du budget : « Aujourd’hui plus que jamais, la crise est là et aucun projet ne se fait sans compromis financiers ». Enfin, il y a le programme du client : « L’architecture, c’est avant tout comprendre comment les gens vivent. Chaque personne a des attentes différentes. Certains veulent une cuisine ouverte, d’autres fermée. Certains rêvent d’une baignoire dans la chambre, d’autres veulent cloisonner les espaces. »
L’architecte insiste sur l’importance de l’écoute : « Mon rôle, c’est de déceler ce que mes clients me disent… et aussi ce qu’ils ne me disent pas. »
Un projet phare : le Mass des Cerisiers
Lorsqu’on lui demande quel projet le rend le plus fier, il cite sans hésiter le Mas des Cerisiers, situé à Oppède. Un chantier complexe démarré en 2020 et achevé début 2024. « C’était un projet de longue haleine, dans un site patrimonial remarquable. Nous devions respecter l’environnement et l’architecture locale. Heureusement, l’Architecte des Bâtiments de France a accepté un parti pris contemporain. » Il évoque aussi la collaboration avec des artisans passionnés : « Pendant huit mois, nous avions des tailleurs de pierre sur le chantier. J’avais l’impression d’être sur la construction d’une cathédrale. »


©️ Mathilde Lebreuil
L’expérience avec une clientèle internationale
Travaillant avec des clients du monde entier, il fait face à un autre défi : expliquer les complexités administratives françaises. « Pour un étranger, comprendre notre système d’urbanisme est un casse-tête. Il faut leur faire admettre que leur permis peut être refusé simplement parce qu’un Architecte des Bâtiments de France n’aime pas la couleur de la façade ! » Aujourd’hui, Romain Bussi continue d’explorer les potentiels de son métier, oscillant entre l’exigence de la rentabilité et la quête de singularité. Finalement, son approche, ancrée dans une architecture à la fois accessible et expressive, lui permet de se démarquer dans un secteur en perpétuelle mutation.




Inspirations et lieux favoris
Côté inspirations, il cite des figures marquantes comme Rudy Ricciotti, Jean-Paul Cassulo ou le cabinet Arquitectonica, à l’origine de l’Atlantis à Miami.
- Le Port du Niel, sur la presqu’île de Giens – mon refuge estival.
- L’Atlantis à Miami – un bâtiment emblématique qui m’a toujours fasciné.
- Le restaurant de la Villa La Coste – pour son architecture et son ambiance.
- L’hôtel Delano à Miami – pour son design iconique signé Philippe Starck.
- La Villa Noailles pour son architecture inspirante et sa programmation culturelle.
- Et si je devais en ajouter une dernière, peut-être le village d’Oppède-le-Vieux, tout simplement, parce que c’est un lieu qui m’inspire au quotidien. J’aime les endroits où l’architecture dialogue avec la lumière et le paysage.
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Nicolas Lopez

